Nous l'avons eu, votre Rhin allemand.
Il a tenu dans notre verre.
Un couplet qu'on sen va chantant
Efface-t-il la trace altière
Du pied de nos chevaux marqué
dans votre sang ?
Nous l'avons eu, votre Rhin allemand.
Son sein porte une plaie ouverte,
Du jour où Condé triomphant
A déchiré sa robe verte.
Où le père a passé,
passera bien l'enfant.
Nous l'avons eu, votre Rhin allemand.
Que faisaient vos vertus germaines,
Quand notre César tout-puissant
De son ombre couvrait vos plaines ?
Où donc est-il tombé,
ce dernier ossement ?
Nous l'avons eu, votre Rhin allemand.
Si vous oubliez votre histoire,
Vos jeunes filles, sûrement,
Ont mieux gardé notre mémoire
;
Elles nous ont versé votre petit
vin blanc.
S'il est à vous, votre Rhin allemand,
Lavez-y donc votre livrée ;
Mais parlez-en moins fièrement.
Combien au jour de la curée,
Étiez vous de corbeaux contre
l'aigle expirant ?
Qu'il coule en paix, votre Rhin allemand
;
Que vos cathédrales gothiques
S'y reflètent modestement ;
Mais craigniez que vos airs bachiques
Ne réveillent les morts de leur
repos sanglant.