.

Alex Olmedo dit "The Chief"
Journal sportif américain, sept 1959
(33) 1958-59: 
Olmedo, le péruvien
"made in USA"
Épisode précédent : 1957-58 Ashley Cooper au creux de la vague

Épisode suivant : 1960 Neale Fraser et le réveil des Européens

En septembre 1958, l’équipe américaine de coupe Davis se préparait au voyage en Australie pour la finale interzone contre l’Italie, et en cas de victoire, le Challenge Round contre Fraser, Anderson et Cooper. Les successeurs de Vic Seixas et Tony Trabert n’avaient guère brillé tout au long de la saison écoulée. Le N°1 américain, Barry MacKay, un puissant cogneur avec probablement le meilleur service du monde, avait la mauvaise habitude de faire autant de aces que de doubles fautes pendant ses parties. De plus, son mental n’était pas à la hauteur de son tennis, et il n'avait atteint que les quarts de finale de Wimbledon, battu bien sûr par un australien, Merwyn Rose. Le N°2  américain, Ham Richardson, était diabétique, et à force de courage, s’était hissé au plus haut niveau. Il avait un très beau touché de balle mais tenait rarement la distance dans les grands tournois, surtout devant les australiens et leur tennis de service volée à outrance…

Olmedo en action avec Richardson
  Après une finale 100% australienne à Forest Hills (la troisième en trois ans), l'équipe américaine n'a pas vraiment un moral de vainqueur. La consolation venait du double remporté par Richardson, associé pour l'occasion au péruvien Olmedo, sur une autre paire américaine Sam Giammalva-Barry MacKay. Autre signe d'espoir pour l'avenir: pour la première fois, un jeune américain de 18 ans, Earl Buchholtz, venait de faire le grand chelem en remportant les quatre grands tournois junior la même année. 
Alex Olmedo, le quatrième homme de la finale du double, était péruvien, étudiant à l’université de Californie du Sud. Il n’avait guère fait parler de lui jusqu’à cette fin d’année 1958. Agé de 22 ans, ce bel athlète d’un mètre 85, s’était surtout distingué au cours des championnats universitaires américains qu'il avait déjà remportés deux fois. Appartenant à une nation qui n’avait pratiquement aucune structure nationale et pas d’équipe engagée en coupe Davis, il n’avait guère eut l’occasion de voyager et de se frotter au gratin du tennis international: un seul déplacement à Wimbledon en 1956, battu au premier tour.  En 1958, il était resté aux USA pour ses études. Son premier titre de double en grand chelem et la qualité de son jeu agressif au filet attirèrent l'attention du capitaine américain Perry Jones.
Jones eut alors deux bonnes idées: sélectionner Olmedo dans l’équipe américaine, et convaincre Jack Kramer de prendre en main la préparation des joueurs. Jones profita d’une faiblesse du règlement, et il justifia la sélection du péruvien par le fait qu’il était résident aux Etats-Unis depuis plus de trois ans, qu’il avait été formé dans une université américaine, et que le Pérou n’ayant pas d’équipe de coupe Davis, Olmédo pouvait bien choisir de défendre son pays d’accueil. Ce choix fut fraîchement accueilli par les joueurs eux-mêmes. Richardson surtout, qui y perdait sa place de simple, ne cacha pas son indignation. Originaire du vieux sud, il était le digne représentant du tennis américain dans la lignée des Tilden et Trabert, patriote et fier de ses origines. Pour lui, comme pour beaucoup d’observateurs américains, l’arrivée d’un étranger, Sud-Américain à la peau mate de surcroît, était une trahison. Sa sélection fut contestée, mais confirmée. Pour certains, l’Amérique tombait bien bas…   

Programme de la finale de la
coupe Davis, Brisbane, 1958

L'équipe américaine victorieuse
Richardson, Olmedo, Perry(cap), McKay et Buchholtz
  Indéniablement, c’était le bon choix. Olmedo, qui manquait manifestement d’expérience internationale, se révéla être l’homme de la situation et finit par faire l’unanimité autour de sa personne. En finale interzone contre l’Italie, il remporta ses deux simples. Pour le Challenge Round, le sélectionneur misa tout sur lui: Le péruvien jouerai les simples au côté de Barry MacKay, et le double avec Richardson.
C’était la consécration. Olmedo passa presque sans transition du statut de touriste au rang de N°1 mondial, infligeant à lui tout seul une humiliante défaite aux protégés de Hopman. Il fut vainqueur le premier jour de Cooper en 4 sets, puis fit un double héroïque avec Richardson, battant Fraser et Anderson sur le score incroyable de 10/12 3/6 16/14 6/3 et 7/5, après avoir sauvé deux balles de match! Ce sera le point décisif.  Le troisième jour, il bat Anderson en 4 sets. Pour la deuxième fois de la décennie, l’Amérique retrouvait les saladier d’argent. Le capitaine américain pouvait envisager l’avenir sereinement. 

Jeu, set, match... et  coupe Davis
Olmedo vient de battre Anderson.

Barry MacKay à la peine
contre Anderson, Brisbane, 1958
Alex Olmedo n’en resta pas là. Il remporta dans la foulée les championnats australiens contre Fraser. En juin 1959, il est tête de série N°1 à Wimbledon qu’il remporte sans difficulté. Il bat en finale le jeune Rod Laver, australien de 21 ans, invité surprise à ce stade de la compétition puisqu'il n'était même pas tête de série, et qui pour l’occasion signe sa première grande performance en grand chelem.

Avec de tels résultats, Olmedo ne pouvait qu’attirer l’attention de Kramer, et il donna son accord pour rejoindre la troupe des professionnels à la fin de la saison. A peine arrivé au sommet depuis 6 mois, sa succession était déjà ouverte. Sur le départ, le péruvien ne sut pas confirmer ses succès de l’année lors de la finale de la coupe Davis en Août, puis à Forest Hills en septembre. C’est l’australien Neale Fraser qui, à 26 ans, devenait, un peu à l’ancienneté, le nouveau N°1 mondial - songez qu'il était plus âgé que Rosewall et Hoad qui eux appartenaient déjà au passé... -. Pour sa première participation à une finale de coupe Davis, il remporta ses deux simples, et le double avec Roy Emerson. Rod Laver, pour sa première sélection perdit ses deux simples… Deux semaines plus tard, Fraser retrouva Olmedo en finale de Forest Hills, qu’il battit encore en 4 sets. Le lendemain, le péruvien quittait définitivement les rangs amateurs et rejoignait la troupe de Kramer.

 

Olmedo, vainqueur de Wimbledon, 1959

Maria Bueno et Neal Fraser, les vainqueurs
de Forest Hills 1959

Programme de la finale de la
coupe Davis, Forest Hills, 1959
  Enfin arrivé au sommet, Fraser choisit de garder la statut amateur et refusa les offres de Kramer. Pour quelqu'un qui avait vécu dans l'ombre de Rosewall et Hoad, puis de Cooper, Anderson et Rose, la patience était enfin récompensée. ll allait être le premier de ces faux amateurs qui préféraient la coupe Davis et les dessous de table aux tournées professionnelles oh combien plus difficiles... Et déjà, Hopman avait préparé la succession: Laver et Emerson étaient là pour assumer le glorieux héritage de leurs aînés.

Quant à l’équipe américaine, privée de son joueur vedette, elle ne réussit pas à se maintenir au sommet. Et ce sont les européens qui allaient devenir pour un temps les seuls rivaux des inaccessibles australiens.

.
Épisode précédent : 1957-58 Ashley Cooper au creux de la vague

Épisode suivant : 1960 Neale Fraser et le réveil des Européens

Des idées, des remarques, des suggestions?E-mail
 

Dernière mise à jour : 10 avril 2010
Copyright BLANCHE NET communications.
Avril 2010. .