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La succession de Fred Perry : Von Cramm ou Budge?
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Fred Perry passé professionnel, le nom de son successeur ne fait guère de doute en ce début d'année 1937. Le baron allemand Gotfried Von Cramm était depuis deux ans l'incontestable N°2 mondial, finaliste des trois derniers Roland-Garros (dont deux victoires) et finaliste malheureux des deux derniers Wimbledon. Âgé de 26 ans, cet élégant aristocrate prussien était alors arrivé au sommet de son art et il pouvait légitimement espérer enfin concrétiser toutes ses années d'effort par le titre tant convoité de Wimbledon. Qui plus est, bien secondé depuis peu par l'excellent Henkel, tous les espoirs étaient permis à l'équipe allemande qui pouvait raisonablement espérer emporter enfin sa première coupe Davis. |
Perry et Von Cramm Wimbledon, 1936. |
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Il
n'en sera rien, et il va être pour la première fois question
de politique dans cette histoire du grand chelem. Et une bien triste politique!
C'est que depuis 1933, l'Allemagne est dominée par l'idéologie
Nazie, Hitler est au pouvoir, et le sport est un instrument de propagande
du nouveau régime. Les jeux olympiques de Berlin l'avaient bien
montré l'année précédente, les sportifs allemands
étaient les représentants du nazisme, et se devaient de montrer
sur tous les stades la supériorité de la race aryenne et
de l'idéologie nationale socialiste.
Von Cramm représentait alors aux yeux des dirigeants sportifs de son pays l'instrument idéal de propagande, aussi bien physiquement que moralement. On comptait bien en haut lieu se servir de ses succès à des fins politiques. Mais tout opposait Von Cramm, le propriétaire terrien, baron à ses heures et conservateur dans l'âme, à cette idéologie de masse qui embrigadait les foules et la jeunesse vers des buts peu recommandables. Bref, Van Cramm était un opposant et ne s'en cachait pas... |
Le
premier incident a lieu à l'occasion de Roland-Garros. Les dirigeants
allemands refusent alors d'inscrire Van Cramm, pourtant tenant du titre,
lui préférant Henkel, qui avait le mérite d'être
un nazi convaincu et qui, la fin de tous ses matchs, faisait le salut hitlérien.
Le baron avale la couleuvre et accepte quand même de faire équipe
en double avec son compatriote. Le message est clair : les joueurs de tennis
doivent représenter leur pays et donc l'idéologie hitlérienne.
Van Cramm doit rentrer dans le rang, et revenir triomphant dans son pays
avec la coupe Davis. Sinon, le gouvernement saura prendre des sanctions.
Henkel profite cependant de l'occasion pour montrer que la confiance qu'on avait mise en lui n'était pas sans fondement. Il remporte le titre en ne laissant que 8 jeux au malheureux Austin en finale. Et le double n'est qu'un formalité pour les deux allemands. Tout cela est d'excellent augure pour les rencontres de coupe Davis à venir. |
Henkel, vainqueur à Roland-Garros 1937 |
Avant la finale de Wimbledon 1937 |
Remis
en selle à l'occasion des succès de son équipe en
coupe Davis (l'Allemagne est qualifiée sans problèmes pour
la finale de la zone européenne), Von
Cramm peut enfin aller retrouver à Wimbledon le seul joueur
qui pourrait lui contester la place de numéro 1 mondial : Donald
Budge. Le jeune américain qui avait tant malmené Perry dans
la dernière finale de Forest Hills, est alors âgé
de 21 ans. Il est dans une forme ascendante et vient en Europe avec la
ferme intention de ramener la coupe Davis dans son pays.
Wimbledon est finalement un échec pour le baron, et la consécration pour le rouquin californien. Les deux joueurs se retrouvent naturellement en finale, mais l'allemand, handicapé par une douleur musculaire, ne peut défendre ses chances et perd en trois sets. C'est une grosse déception, mais pour tout le monde, allemands comme américains, l'objectif de l'année reste la coupe Davis qui est à prendre depuis la retraite de Perry. Nul n'imagine en effet que Austin puisse, à lui tout seul, conserver le trophée à l'Angleterre. |
Les
choses sérieuses commencent donc la semaine suivante par la victoire
allemande sur l'Australie en finale de la zone européenne. Puis
c'est la finale inter-zone contre les américains. Les deux équipes
sont très proches l'une de l'autre. Budge, après avoir battu
Henkel et remporté le double avec Mako, rencontre enfin Van Cramm
le troisième jour quand les deux équipes sont à égalité
2 victoires partout.
Lorsque les deux joueurs pénètrent sur le central de Wimbledon, l'ambiance est à son comble. Ce sont les deux meilleurs joueurs du monde et le vainqueur est pratiquement assuré de remporter la coupe Davis au tour suivant. C'est alors que l'on vient chercher Von Cramm: il y a quelqu'un au téléphone. Après quelques minutes, le baron revient, le visage crispé. - "C'était Hitler" dit il sur un ton détaché à son adversaire... Le ton est donné, toute l'Allemagne nazie a les yeux braqués sur Wimbledon! |
Curieuse photo du match Quist-Von Cramm Quel est l'incident qui a pu provoquer cet attroupement? |
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qui montre un bel engagement physique... |
Le spectacle est somptueux, à la hauteur de l'enjeu. Von Cramm joue le meilleur match de sa vie, menant difficilement un, puis deux sets à zéro! Le public est muet de stupeur: Budge était mené deux stes à zéro!. Les deux joueurs commettent le minimum d'erreurs, ils sont constamment l'attaque et si Von Cramm mène, c'est qu'il a plus de réussite sur les points importants. Ses retours de service notamment sont fracassants. Difficile de soutenir un tel rythme très longtemps, et c'est l'allemand qui craque le premier, laissant filer le troisième puis le quatrième set. Le dernier set est dramatique. Bien reposé, l'allemand retrouve la réussite du début de match et fait le break pour mener 4/1. On croit alors que le match est joué, mais Budge, magnifique de courage, remonte. L'allemand a encore deux balles de break à 5/3, mais ne peut les transformer. On va alors jusqu'à 6 partout. C'est une bataille de service et Von Cramm, le premier, va craquer et commencer à commettre des doubles fautes. Il perd alors son service en 4 points. Le dernier jeu est d'une rare intensité. Von Cramm a toujours un point d'avance et réussit à obtenir trois balles d'égalisation qu'il ne peut transformer. Enfin Budge a une, puis deux balles de match. La troisième est la bonne. C'est lui qui ramènera la coupe Davis dans son pays... |
Von Cramm et Budge quittent le court |
Après la finale de Forest Hills |
Une
semaine plus tard, le challenge round contre l'Angleterre n'est qu'une
formalité, seul
Austin
réussisant à sauver l'honneur contre le jeune Frank Parker.
La fin de saison est la confirmation de la supériorité du
jeune américain qui complète son succès en coupe Davis
par une belle victoire à Forest Hills contre le même von Cramm
en 5 sets. Cette fois, c'est sûr, il est le digne successeur de Perry
et l'incontestable N°1 mondial. Il peut se préparer tranquillement
pour une tournée australienne, puis européenne qui sera triomphale.
Quant au baron, sa défaite en coupe Davis, aussi belle soit elle, ne lui vaudra que des critiques. Son opposition au régime nazi étant toujours aussi vive, il est attaqué à son retour d'Amérique, accusé d'homosexualité et emprisonné. Il laisse alors bien malgré lui la voie libre à son rival et ami, Donald Budge, pour ce qui sera le premier grand chelem de l'histoire. Mais, qu'aurait fait Hitler d'une finale de coupe Davis qui se serait jouée à Berlin en 1938? Quand on regarde retrospectivement le spectacle qu'avaient été les jeux olympiques en 1936, on frémit à la pensée de ce qu'aurait été un court de tennis tapissé de croix gammées, avec une foule fanatisée faisant le salut hitlérien... |
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Dernière mise à jour : 10
avril 2010
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