Quand j'vois des filles de dix-sept ans,
Ça m'fait penser qu'y'a bien longtemps
Moi aussi, j'l'ai été, pucelle,
A Grene - e - elle !
Mais c'est un quartier plein d'soldats,
On en rencontre à tous les pas,
Jour et nuit, i'font sentinelles,
A Grene - e - elle !
J'en ai-t-y connu des lanciers,
Des dragons et des cuirassiers
Qui m'montraient à m'tenir en selle
A Grene - e - elle !
Fantassins, officiers, colons,
Montaient à l'assaut d'mes mam'lons !
Ils m'prenaient pour une citadelle !
A Grene - e - elle !
Moi, j'les prenais tous pour amants,
J'commandais tous les régiments,
On m'appelait « Mâme la Colonelle »,
A Grene - e - elle !
Mais ça m'rapportait que d'l'honneur,
Car si l'amour, ça fait l'bonheur,
On fait pas fortune avec elle,
A Grene - e - elle !
Bientôt j'm'aperçus qu'mes beaux yeux
Sonnaient l'extinction des feux,
On s'mirait plus dans ma prunelle
A Grene - e - elle !
Mes bras, mes jambes, mes appâts,
Tout ça foutait l'camp à grands pas,
J'osais plus faire la p'tite chapelle
A Grene - e - elle !
Aujourd'hui que j'ai plus d'position,
Les régiments m'font une pension :
On m'laisse manger à la gamelle,
A Grene - e - elle !
Ça prouve que quand on est putain,
Faut s'établir Chaussée d'Antin,
Au lieu d'se faire une clientèle
A Grene - e - elle !