C'est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.
Sans gâteaux, sans joujoux, sans fringues,
Et quelquefois sans pantalons,
Ils vont, dans de vieilles redingues
Qui leur tombent sur les talons.
Ils traînent, dans des philosophes,
Leurs petits pieds endoloris,
Serrés dans de vagues étoffes...
Chaussettes russes de Paris!
Ils se réchauffent dans les bouges
Noircis par des quinquets fumeux,
Avec des bandits et des gouges
Qui furent des loupiots comme eux.
Ils naissent au fond des impasses,
Et dorment dans les lits communs
Où les daronnes font des passes
Avec les autres et les uns...
Mais ces chérubins faméliques,
Qui vivent avec ces damnés,
Ont de longs regards angéliques,
Dans leurs grands châsses étonnés.
Et, quand ils meurent dans ces fanges,
ils vont tout droit au paradis
Car ces petits-là sont les anges
Des ruelles et des taudis.
C'est les petits des grandes villes,
Les petits aux culs mal lavés,
Contingents des guerres civiles
Qui poussent entre les pavés.