Sous son manteau de vigne vierge
Sur la grand-route de Paris
Je vois toujours la vieille auberge
Que le temps avait peinte en gris
Au fracas de la diligence
Aux gais appels du postillon
Elle ouvrait, avec complaisance
Les battants de son portillon
La servante, dans un sourire
Accueillait chaque voyageur
Et le maître, sans plus en dire
Dressait la table en connaisseur
Au joyeux glouglou des bouteilles
L'auberge éclatait en chansons
Et vous emplissait les oreilles
Avec des refrains polissons
Dans le nid douillet des chambrettes
Elle offrait le creux des draps blancs
Pour les amoureux de causettes
Et les doux ébats des amants
Sur ses murs s'accrochait la gloire
Des exploits fameux des chasseurs
Ou glissaient les folles histoires
Que le monde entier sait par coeur
Ah ! comme le temps passait vite
Sous ce toit aimable et discret
Et quand il fallait qu'on le quitte
Ce n'était pas sans un regret
À présent malgré les peintures
Ses murs lépreux font peine à voir
Et ses doux bosquets de verdure
Sont desséchés de désespoir
Son sourire est une grimace
Car pour tenter le voyageur
Elle vend au progrès qui passe
De l'essence pour les moteurs
Sous son manteau de vigne vierge
Sur la grand-route de Paris
Je ne vois plus la vieille auberge
Que le temps avait peinte en gris