C'est à Strasbourg,
en Avril 1792 que Rouget de Lisle composa sa fameuse chanson sous le titre "Chant de guerre de l'Armée du Rhin". Son régiment
s'appelait justement "Les Enfants de la Patrie". La Patrie n'était
pas encore officiellement "en danger", mais l'armée des Princes
n'était pas loin. Publié à Strasbourg, la chanson
voyagea rapidement vers Lyon, Montpellier et Marseille, où elle
fut adoptée par les volontaires provençaux en route vers
Paris. Le bataillon composé de Marseillais arriva à Paris
fin Juillet, et la chanson fut rebaptisée spontanément par
les parisiens du nom qu'elle porte encore aujourd'hui. Elle fut chantée
par les soldats lors de la prise des Tuileries le 10 Août suivant.
La chanson fut décrétée
hymne national le 14 juillet 1795. Interdite sous les Bourbon, la chanson
eut une nouvelle jeunesse pendant les journées révolutionnaires
de 1848. Mais elle fut de nouveau mise en sourdine pendant le second Empire.
Et c'est finalement le 14 février 1879 qu'elle est définitivement
décrétée hymne nationale de la République Française.
Le marquis de Bouillé,
dont il est question dans la quatrième strophe, ("Mais les complices
de Bouillé...") était général de l'armée
de Meuse, Sarre et Moselle en 1790. Il organisa la fuite de Louis XVI qui
se termina tragiquement à Varennes. Réfugié à
Coblence, il servit dans l'armée des Princes, et mourut en exil
à Londres, en 1800.
A propos d'hymnes nationaux,
il est interessant de connaître l'histoire de "God
save the King" - ou "the Queen" selon les époques... -, devenu
hymne national de nos voisins anglais qui eux sont restés royalistes
et qui eux, n'on pas fait leur révolution... Du moins pas encore...
Allons enfants de la Patrie Le jour de gloire est arrivé Contre nous de la tyrannie L'étendard sanglant est levé
(bis) Entendez vous dans ces campagnes Mugir ces féroces soldats Ils viennent jusque dans vos bras Égorger vos fils, vos compagnes
Refrain : Aux armes citoyens, formez vos bataillons Marchons, marchons Qu'un sang impur, abreuve nos sillons!
Que veut cette horde d'esclaves De traîtres, de rois conjurés? Pour qui ces ignobles entraves, Ces fers dès longtemps préparés?
(bis) Français, pour nous, ah! quel
outrage! Quels transports il doit exciter! C'est nous qu'on ose méditer De rendre à l'antique esclavage!
Quoi! Ces cohortes étrangères Feraient la loi dans nos foyers? Quoi! Des phalanges mercenaires Terrasseraient nos fiers guerriers?
(bis) Grand Dieu! Par des mains enchaînées Nos fronts sous le joug se ploieraient! De vils despotes deviendraient Les maîtres de nos destinées!
Français, en guerriers magnanimes Portez ou retenez vos coups, Épargnez ces tristes victimes A regret s'armant contre nous (bis) Mais ces despotes sanguinaires, Mais les complices de Bouillé, Tous ces tigres qui sans pitié Déchirent le sein de leurs mères!
Tremblez tyrans, et vous, perfides,
L'opprobre de tous les partis,
Tremblez! Vos projets parricides
Vont enfin recevoir leur prix! (bis)
Tout est soldat pour vous combattre,
S'ils tombent, nos jeunes héros,
La terre en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à
se battre!
Amour sacré de la Patrie,
Conduis, soutiens nos bras vengeurs,
Liberté, Liberté chérie,
Combats avec tes défenseurs
(bis)
Sous nos drapeaux que la Victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire!
Rouget de Lisle chantant La Marseillaise pour la première fois à l'hôtel de ville de Strasbourg ou chez Dietrich en 1792 (peinture d'Isidore Pils, 1849).
Une
septième strophe, dit "strophe des enfants" fut ajoutée quelques
mois plus tard, et n'est pas de Rouget de Lisle. Elle est probablement
de l'abbé Pessoneaux, prêtre qui avait prêté
serment à la convention. Cette strophe est attribuée quelques
fois - à tord semble-t-il - à un écrivain qui en a
revendiqué la paternité sur ses vieux jours : Louis Dubois.
C'est la seule des nombreuses strophes écrites ici ou là,
au gré des circonstances, qui a survécu jusqu'à nous.
Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n'y seront
plus.
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus! (bis)
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre!