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(40) 1964 Emerson rate son grand chelem
 
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L’année 1964 commence mal pour les joueurs australiens. La fameuse règle des 210 jours ne  permettait pas à des amateurs de se produire hors de leur pays plus de sept mois dans l’année. La conséquence était qu’en Australie, aucun joueur ne devait accepter une invitation à l’étranger avant le 30 mars. Cette disposition ridicule n’était pas appliquée par les joueurs pour qui c’était un manque à gagner important. Emerson, Stolle, Hewitt, Fletcher et Mulligan étaient tous partis depuis longtemps quand en avril la Fédération Australienne décida, à la surprise générale, d’appliquer le règlement et d’exclure ces 5 joueurs de l’équipe de coupe Davis! Excès de zèle qui s’explique assez mal, sinon par le désir de reprendre en main les joueurs qui se comportaient comme de vrais pros. C’était une déclaration de guerre et la crise fut gérée par les joueurs, chacun à sa façon. A la fin de l’année, trois d’entre eux avaient décidé d’émigrer vers des pays où les fédérations étaient plus accueillantes et complaisantes. C’est ainsi que Ken Fletcher partit s’installer à Honk-Kong. Bob Hewitt choisi l'Afrique du Sud, pays de son épouse, où il put enfin jouer la coupe Davis. Martin Mulligan quant à lui profita également de la nationalité de sa femme pour devenir définitivement… italien !

Pour Emerson et Stolle, la situation fut plus délicate à régler. L’association des joueurs professionnels s’était en effet dépêchée de faire une proposition à Emerson sur la base de 50.000$. La fédération australienne dut se rendre compte alors de sa bévue, car sans Emerson et Stolle, il n’y avait plus guère d’espoir de reconquérir le saladier d’argent perdu l’année précédente. Le coup de théâtre vint de la firme de cigarettes Philip-Morris qui annonça que Emerson avait accepté le poste de responsable des relations publiques pour l’Australie ! Ce travail grassement rétribué n’était pas accompagné d’une description de poste très claire, c’est le moins que l’on puisse dire. Emerson allait donc pouvoir disposer de tous les loisirs qu'il voulait pour s’adonner à son sport favori tout en ayant un statut d’amateur salarié en béton. Du coup, la fédération australienne qui n’était probablement pas étrangère à cet arrangement fit un virage à 180° en requalifiant Emerson juste à temps pour la phase finale de la coupe Davis. Stolle, qui ne se sentait pas encore prêt à franchir le pas du professionnalisme, fut également grâcié au dernier moment et tout rentra dans l’ordre. Le tennis amateur ne sortait pas grandi de l’affaire, tout cela sentait un peu la magouille, mais enfin… la Coupe Davis était probablement sauvée pour l’Australie !

Article ironique paru dans Tennis de France
Juillet 1964.
A gauche, Philip-Morris et le tennis,
publicité parue dans Paris-Match, 1965

Emerson à Roland-Garros
  Les problèmes avec sa fédération sont loin d’être réglés quand Emerson arrive à Roland-Garros pour défendre son titre. L’Australien peut raisonnablement songer à un grand chelem. Il a déjà remporté les championnats d’Australie où il a battu Stolle en finale, une deuxième levée semble largement à sa portée, surtout en l’absence des américains. La terre battue ne lui fait pas peur et il a sut y adapter son jeu de service volée. Ce sera pourtant son unique grosse déception de l’année. Pietrangeli en quart de finale lui inflige un sévère 6-1 6-3 6-3. C’était un jour sans, car Emerson toujours solide en double remporte son cinqième titre d’affilé à Roland-Garros, avec un quatrième partenaire différent: après Fraser, Laver et Santana, c'est Ken Fletcher qui a l'honneur d'être associé à Emerson. Et la relève australienne est déjà là: John Newcombe (20 ans)  et Tony Roche (19 ans) font à cette occasion leur première finale de double en grand chelem.

Roland-Garros connaît cette année là un retour en force des européens puisque pour la première fois depuis 1932, ils sont 4 en demi finale du simple: l’italien Pietrangeli, l’espagnol Santana, le suédois Lundqvist et Pierre Darmon. Les vrais spécialistes de la terre battue sont pour une fois à l'honneur, et c'est une réédition de la finale de 1961: Santana remporte son deuxième Roland-Garros en dominant Pietrangeli en 4 sets. Pour l'espagnol, c'est une confirmation. Les années suivantes, il choisira de faire l'impasse sur Roland-Garros pour mieux apprivoiser une autre surface: l'herbe de Wimbledon... Quant au public français, il désole une fois de plus pour son champion Pierre Darmon, battu de justesse par l'espagnol en demi-finale 6/4 au cinquième set.

 


Wimbledon 64: Hewitt/Stolle battent Emerson/Fletcher 7/5 11/9 6/4.
Hewitt et Fletcher vont quitter l'Australie. En 1965, Stolle jouera avec Emerson.
Le reste de l’année est entièrement australienne, et même tout à l’avantage du seul ’Emerson. Il fait un Wimbledon parfait, ne perdant que deux sets pendant tout le tournoi et retrouvant en finale son compatriote Stolle. C'est une finale de bannis, puisque Emerson et Stolle sont toujours exclus de l'équipe australienne de coupe Davis... Mais la finale interzone est pour fin juillet, et devant ces brillants résultats, la fédération australienne requalifie Emerson et Stolle juste à temps. Les deux australiens peuvent donc écraser tranquillement la Suède 5/0. En Août, c’est la revanche de la coupe Davis sur les américains. Ceux-ci espèrent bien piéger leurs rivaux australiens en préférant la terre battue de Cleveland à l’herbe de Forest Hills. Ce ne sera pas suffisant, Emerson remporte ses deux simples, et  Stolle bat Ralston le dernier jour sur le score de 7-5 6-3 3-6 9-11 6-4. Deux semaines plus tard à Forest Hills, c’est la troisième finale de l’année entre les deux australiens, et Emerson gagne son troisième grand tournoi de l'année...  

Premier succès à Wimbledon pour
Emerson.

Emerson et Stolle
Wimbledon 1964
  Emerson peut légitimement être déçu. Il rate son grand chelem à cause de Roland-Garros, Il échoue ainsi à trois  matchs du but et rejoint la cohorte des grands malchanceux. Avant lui, Crawford (en 1933) et Hoad (en 1956) avaient perdu l'ultime rencontre. Quant à Sedgman  (en 1952), Trabert (en 1955) et Cooper (en 1958), ils n'avaient échoué que pour deux matchs… 

Avec trois tournois du grand chelem remportés la même année, Emerson confirme sa place de N°1 amateur. Il était cependant bien le dernier à penser être le meilleur joueur du monde. Quand on lui demandait ce qu'il pensait du tennis amateur, il répondait ne pas savoir ce que c'était! Quand l'association des tennismen professionnels lui proposa 50.00$ de garanti pour venir les rejoindre, il demanda 200.000$ (deux fois plus que ce que Laver avait obtenu!). C'était inacceptable et "Emmo" comme on l'appelait, put ainsi continuer tranquillement à travailler pour Philips-Morris, écumer les tournois du grand chelem et jouer la coupe Davis. En 1965, il s’apprête à faire une nouvelle tentative pour atteindre le grand chelem...

 

Fred Stolle, avec ses trois finales, est un solide N°2 et montre que la suprématie de l’Australie n’est pas prête de prendre fin. Un seul joueur de grande classe semble pouvoir résister à cette invasion des antipodes, Manuel Santana. L’espagnol au toucher de balle magique a déjà deux Roland-Garros à son palmarès, il va maintenant s’attaquer à la domination australienne sur herbe…
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Dernière mise à jour : 10 avril 2010
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Avril 2010. .