"Johnny le Rouge" le 22 mars 1979, à la Nouvelle-Orléans |
Johnny le Rouge à l'abordage !
19 ans, une tête d'adolescent effronté, un caractère de cochon et un bandeau rouge dans les cheveux... C'est John McEnroe, gaucher au jeu d'attaque époustouflant que les journalistes ont vite fait de surnommer "Johnny le Rouge" ! Un surnom de pirate pour celui qui se prépare à prendre à l'abordage le tennis mondial, avec Borg et Connors en point de mire... Après une première victoire sur le suédois à Stockholm en novembre 78, le voilà prêt à franchir une étape décisive de sa jeune carrière. John McEnroe est un gamin pressé et doué, il va vite le faire savoir ! |
Qualifié pour la finale du Masters début janvier à New-York, le jeune américain va y remporter son premier grand succès, mais de bien étrange façon. En l'absence de Borg (fatigué) et de Vilas (en Australie), Connors est le grand favori de l'épreuve, mais dans la poule éliminatoire, après un premier set somptueux perdu contre McEnroe, Connors doit abandonner victime d'une ampoule au pied. La voie est libre pour "Johnny le Rouge" qui arrive en finale contre le vétéran Arthur Ashe. Le noir américain n'a rien perdu de son talent malgré ses 35 ans, et en deux sets gagnants sur surface rapide, tout semble possible. McEnroe est favori, mais il pêche par excès de confiance. A 5/4 40/0 sur son service, il fait trois doubles fautes, se déconcentre, et finit par perdre ce premier set ! Il se rattrape au deuxième, mais se retrouve mené 5-4 15/40 sur son service dans le troisième. Sur la première balle de match, le retour de Ashe est gagnant, mais l'arbitre de ligne annonce le premier service de McEnroe faux ! Il est bien le seul a l'avoir vu comme ça... Ashe qui croyait avoir gagné, ne s'en remit pas. Ce coup du sort suffit à remettre McEnroe en selle, et il gagne le match et le titre trois jeux plus tard. |
McEnroe "le Dauphin" Tennis de France Janvier 1979 |
6 mai 1979, finale WCT à Dallas. Balle de match contre Borg pour Johnny le Rouge |
Fort de ce succès, Johnny Le Rouge s'attaque à la citadelle Borg qu'il rencontre 4 fois en ce début de saison: Battu par le suédois à Richmond et à Rotterdam, l'américain prend sa revanche à la Nouvelle Orléans, avant de retrouver tous ses rivaux début mai pour la phase finale de la WCT à Dallas. McEnroe y est tout simplement éblouissant. Il bat enfin pour la première fois Jimmy Connors (3 sets à zéro, c'est déjà un événement) avant de dominer Borg en quatre sets disputés. Score final 7-5 4-6 6-2 7-6. C'est la première fois depuis Ashe à Wimbledon en 1975 qu'un joueur bat dans un même tournoi les deux monstres sacrés du tennis ! A n'en pas douter, McEnroe vient de franchir un nouveau palier. La dernière étape qui doit l'amener au sommet s'appelle Wimbledon... |
Fatigué par ce formidable début de saison, McEnroe prétextera alors une blessure pour faire l'impasse sur Roland-Garros. Il est vrai que contrairement à Borg et Connors, McEnroe joue (et gagne souvent) toutes les épreuves de doubles des tournois auxquels il participe. Il a trouvé en Peter Fleming un partenaire efficace et complémentaire, et les deux compères accumulent les titres : Le Masters en janvier, puis La Nouvelle-Orléans, Milan, Rotterdam, San José... Dans la tradition des grands australiens des années 60, McEnroe trouve dans le double la méthode parfaite et complémentaire pour s'entraîner et perfectionner son merveilleux jeu de volée... |
Son objectif est maintenant Wimbledon, où il est classé tête de série N°2 après sa victoire au tournoi du Queens. Du coup, c'est la première fois depuis 4 ans que Borg et Connors se retrouvent dans la même moitié de tableau. Un choix curieux de la part des organisateurs, puisque Connors était encore le N°1 au classement ATP, mais enfin... McEnroe se retrouve dans une moitié de tableau plutôt tranquille, surtout après la disparition de Ashe et Gerulatis dès le premier tour. Au vu de ce qu'il a montré depuis le début de la saison, on ne voit pas très bien qui pourrait l'empêcher d'atteindre la finale. Et pourtant, dès le troisième tour, sur le court N°2 - surnommé "Le cimetière" vu le nombre important de têtes de série qui y ont chuté - McEnroe n'arrive pas à se sortir d'un match piège contre le modeste Tom Guilikson. Sur ce court maudit et bruyant où Ashe et Gerulatis sont déjà tombés, il perd en trois petits sets sans avoir montré ses habituels coups de pattes au filet. Un jour sans, alors que tout réussissait à son adversaire. Une défaite sans gloire qui met fin à ses espoirs de conquête. Pour McEnroe l'homme pressé, le rêve d'une victoire sur Borg à Wimbledon est reporté à l'année prochaine. Il va se consoler avec panache en remportant le double avec son compatriote Peter Fleming. Un premier titre à Wimbledon qui prouve qu'il est un joueur complet. |
Fleming-McEnroe à Wimbledon pour une première victoire en double |
Des
matchs piège, Borg en connaît régulièrement
lui aussi dans les premiers tours de Wimbledon. Mais à la différence
de McEnroe, il s'en sort toujours! Au deuxième tour, le suédois
est malmené par un indien entreprenant et talentueux Vijay Amritraj,
un vrai spécialiste de l'herbe et du service-volée. Avec
son tennis monocorde, mais terriblement efficace, il mène deux sets
à un, et pousse le suédois dans le tie-beak au quatrième
set. Borg fait preuve d'un sang froid exemplaire à cet instant pour
le moins délicat... Maître de son tennis et de son formidable
mental, il remporte tous les points importants de ce jeu décisif
avant de conclure au cinquième set.
<== L'indien Vijay Amritaj, un tennis de cristal fait pour l'herbe. Pilier de l'équipe de coupe Davis de son pays pendant 15 ans, il emmena l'Inde en finale en 1974. Avec son frère Anand, ils formaient une redoutable équipe de double. |
Le reste du parcours jusqu'en finale est sans histoire, balayant au passage un bien pâle Jimmy Connors qui ne lui prend que 7 jeux, exactement le même nombre que l'année précédente... La finale contre Tanner fut plus difficile : mené deux sets à un contre le meilleur serveur de l'époque, Borg dut batailler ferme pour garder le contrôle de la partie pendant les deux derniers sets: deux breaks réussis à chaque fois en début de set suffirent à lui assurer le gain du match contre un Tanner qui sut rester menaçant jusqu'au bout. Score final 6-7 6-1 3-6 6-3 6-4. Borg, plus souverain que jamais, semblait décidement invincible après ce quatrième succès consécutif... Le 9 juillet, il reprend la place de N°1 au classement ATP à Jimmy Connors, place que l'américain occupait depuis presque deux ans... |
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Roscoe Tanner pendant le finale. |
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Borg dubitatif pendant son match contre Tanner... |
Le
duel continue pendant l'été. Borg reprend l'avantage à
Toronto, où il domine assez facilement McEnroe en finale 6-3 6-3.
Voilà le suédois grandissime favori de l'US Open, troisième
levée d'un grand chelem qu'il peut légitimement espérer
remporter. Pour McEnroe, il ne reste plus que Flushing Meadow pour concrétiser
ses rêves de conquête, et cette fois, la chance va lui sourire.
Le coup de pouce du destin, ce sera un match en nocturne à la lumière
artificielle. Seul tournoi du grand chelem à pratiquer cet exercice
périlleux, cette habitude permet de programmer le tournoi sur une
période plus courte, et de prévoir deux séances d'entrées
payantes par jour. Pour les joueurs qui affrontent les grands serveurs
en nocturne, c'est un supplice car la lumière artificielle ne permet
pas le même temps de réaction que dans la journée.
C'est la mésaventure qui arrive à Borg, lors de son quart
de finale en nocturne contre Roscoe Tanner, le meilleur serveur du monde
et sa victime en finale de Wimbledon. Gêné par la lumière,
Borg s'incline en 4 sets, non sans avoir lutté courageusement jusqu'au
bout. Au quatrième set, le suédois remonte un break de retard
en sauvant deux balles de matchs sur le service de Tanner, puis parvient
à garder sa concentration pendant un changement de filet qu'un service
de Tanner avait réussi à casser ! Mais ce ne sera pas suffisant
et Borg doit finalement abdiquer au tie-break. Score final 6-2 4-6 6-2
7-6. Tanner ne saura pas profiter de ce succès: contre Gerulatis
en demi-finale, il mène rapidement deux sets à zéro
et un break d'avance, mais rate la conclusion dans le tie break du troisième
set. Epuisé, il se dérègle et laisse Gerulatis filer
vers la finale.
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Dans l'autre moitié du tableau, McEnroe a un parcours sans danger, mais non sans incidents. Au deuxième tour, il rencontre un Nastase vieillissant, mais toujours aussi spectaculaire, provocateur et indiscipliné. La rencontre entre ces deux (mauvais) caractères du tennis va vite dégénérer. Après quelques discussions avec l'arbitre ici où là, le public prend partie pour Nastase en sifflant toutes les fautes de McEnroe. Les incidents se succèdent alors et c'est Nastase qui va craquer le premier, en s'en prenant à un spectateur, puis à l'arbitre. Ce dernièr applique le nouveau règlement avec zèle : un point, puis un jeu de pénalité, enfin la disqualification de Nastase est annoncée. Le public, brutalement privé de spectacle et sans match de remplacement,manifeste bruyamment et longuement. On frôle l'émeute et le direceteur du tournoi préfère annuler la décision de l'arbitre de chaise ! Il réussit à faire reprendre le match qui se termine dans la confusion, les deux joueurs étant incapables de rejouer sérieusement au tennis. Un bien piètre spectacle au cours duquel McEnroe réussit à rester maître de son tennis, suffisamment en tous cas pour l'emporter. |
Le directeur du tournoi intervient après la disqualification de Nastase... |
Johnny le Rouge à l'abordage pendant son match contre Connors |
La
suite est presque trop facile : forfait de John Lloyd malade, abandon de
Dibbs blessé après trois jeux, McEnroe arrive sans effort
en demi-finale où il retrouve Connors. Mais Jimbo, pourtant tenant
du titre, n'est plus que l'ombre de lui-même. Le mariage et la paternité
semblent lui avoir retiré toute envie de gagner... Coincé
au fond du court, incapable de venir conclure au filet, il est sans cesse
poussé à la faute. Il est dominé en trois sets par
McEnroe sans jamais avoir donné l'impression de pouvoir l'inquiéter.
Un Connors bien terne, qui, à 27 ans, semble avoir définitivement
lâché prise... Pour la première fois depuis 1974, il
n'est pas en finale de son tournoi fétiche, et il n'a atteint aucune
finale du grand chelem dans l'année...
Gerulatis-McEnroe, c'est une finale 100% new-yorkaise qui est proposée au public... new-yorkais! Et Johnny le Rouge chez lui ne rate pas ce premier rendez-vous avec l'Histoire du Grand Chelem. Déjà vainqueur du double messieurs la veille avec Peter Fleming, il réalise un joli doublé, événement de plus en plus rarissime en grand chelem. En simple, première finale et première victoire contre un Gerulatis courageux mais vite résigné devant les attaques profondes et tranchantes de son adversaire. Une finale à sens unique au cours de laquelle on put admirer tout le talent de John McEnroe. Concentré, entreprenant, impitoyable, il gagne les points ou provoque la faute adverse. Le suspense ne dure qu'une moitié de set, et Gerulatis fait encore illusion quand il prend le service de McEnroe pour égaliser à 5 partout. Les jeux vont ensuite défiler très vite. Trois petits sets et une première grande victoire pour John McEnroe 7-5 6-3 6-3. |
Un titre qui laisse cependant un goût d'inachevé à Johnny le Rouge. La place de numéro 1 mondial reste à conquérir, et il sait qu'il ne l'aura qu'avec une victoire sur Borg dans un grand tournoi... En attendant, il est devenu l'incontestable N°1 américain devant Connors, et il lui faut se contenter d'une modeste place de N°2 mondial. Mais pour combien de temps ? |
Johnny le Rouge au service pendant la finale |
La "une" de Tennis de France après la victoire de John McEnroe |
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Dernière mise à jour : 10
avril 2010
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