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Un DVD de légende 
pour le match du siècle.
A ne pas manquer...
(68) 1980 :
Le match du siècle 
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Episode précédent :
1979 Johnny Le Rouge à l'abordage


Episode suivant : 1980-1981 La dernière de Borg



Le 5 juillet 1980, c'est un grand moment de tennis que s'apprête à vivre le public de Wimbledon. Bjorn Borg et John McEnroe rentrent sur le court central pour une finale qui sent la poudre. C'est la première fois que le N°1 et le N°2 mondial se rencontrent dans un tournoi du grand chelem. Et le moment est historique : le suédois, a battu au quatrième tour le record de Rod Laver du nombre de matchs consécutifs gagnés à Wimbledon. Il cherche maintenant une cinquième couronne d'affilé. Un exploit inédit depuis le début du siècle quand le challenge round permettait au tenant du titre de ne jouer que la finale. 
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Borg à 24 ans est au sommet de son art. Il est le grand favori du public, des journalistes, et même du monde entier ! Il vient de remporter Roland Garros pour la cinquième fois avec une impressionnante facilité. Il n'a pas perdu un set et la finale contre Gerulatis a tourné à la démonstration (6-4 6-1 6-2), comme d'habitude serait on tenté de dire... Sa concentration, sa condition physique, son jeu de jambe, sa capacité à s'adapter à toutes les surfaces, toutes ces qualités ont fait l'admiration de tous les observateurs, et le désespoir de ses adversaires. A Wimbledon, son parcours a été sans histoire, et le set perdu contre Brian Gottfried en demi-finale semble être dû plus à une distraction qu'à une baisse de régime. Bref, on ne voit pas très bien comment une cinquième victoire pourrait lui échapper,  quoique... John McEnroe, gaucher au tennis d'attaque imprévisible l'a déjà battu plusieurs fois, alors pourquoi pas ici, à Wimbledon ? Deux jours plus tôt, l'américain a sacrifié sa demi-finale de double pour mieux se préparer. Et sa demi-finale contre Connors a été plutôt tranquille. Tout le monde en est convaincu, si quelqu'un peut battre Borg à Wimbledon, c'est lui !

Borg pendant sa cinquième finale victorieuse
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McEnroe à l'attaque.
John McEnroe, 21 ans et un mauvais caractère, ne ressemble en rien à Bjorn Borg. Depuis 1977 et sa demi-finale malheureuse contre Connors, alors qu'il n'avait que 18 ans, on savait qu'on le verrait un jour en finale sur le court central. Avec son formidable service de gaucher, son jeu d'attaque à outrance, ses extraordinaires reflexes à la volée, son jeu de fond de court solide et entièrement porté vers l'attaque, il avait depuis confirmé tout le bien que l'on pensait de lui. L'année 1979 l'avait vu conquérir de haute lutte la place de N°2 mondial.  Moins solide physiquement et mentalement que Borg, son tennis offensif est cependant plus créatif, imprévisible et spectculaire. Malheurseument, une autre facette de son talent lui donne souvent le mauvais rôle: sa réputation de joueur coléreux et contestataire n'est plus à faire, et son vocabulaire grossier sur les courts a fait l'unanimité du corps arbitral contre lui. Pour cette finale, il est le mal aimé du public et il n'a pas la côte auprès des bookmakers londoniens. 
Mais quels que soient ses écarts de conduite sur le court, on ne peut s'empêcher d'admirer son tennis... A Wimbledon, McEnroe est là pour prendre une revanche sur un début de saison  qui a été plus que moyen, voir même décevant. En janvier, il a perdu son titre aux masters après deux défaites, d'abord face à Gerulatis sèchement, et puis face à Borg de justesse au tie break du troisième set. En février à Philadelphie, il a perdu la finale face à Connors au cours d'un match particulièrement houleux où le public prit fait et cause pour son adversaire. Hué, sifflé, conspué, il a du laisser filer le match après s'être laissé déconcentré par des discussions stériles avec les arbitres. Son retour sur la terre battue européenne après deux ans d'absence n'a pas été plus heureux. A Monte Carlo, il a été balayé par Vilas en deux petits sets. Et son passage à Roland-Garros, sans préparation particulière, a été calamiteux, éliminé au troisième tour par un australien aussi entreprenant que lui au filet. Paul McNamee réussit à le pousser 4 fois de suite au tie break, remportant le match sur le score surprenant de 7-6 6-7 7-6 7-6. 

Mai 1980 : Tennis de France annonce 
l'arrivée de McEnroe à Paris
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Wimbledon 1980 : McEnroe dans ses mauvais jours, 
en discussion avec l'arbitre, et lançant sa raquette
à coup de pied ! Heureusement, 
sa conduite pendant la finale sera exemplaire...
Pire encore ! En mars à Buenos Aires, il a perdu ses deux simples en coupe Davis contre l'Argentine. Certes, Vilas et Clerc sur terre battue ne sont pas les premiers venus, mais l'américain était invaincu dans cette épreuve qu'il avait remporté déjà deux fois. Ce fut une grosse déception pour MceEnroe, très motivé pour cette compétition et qui n'avait jamais refusé une selection... Enfin, le voilà menacé de perdre sa place de N°1 américain après sa défaite en finale de la WCT en mai à Dallas contre un Jimmy Connors retrouvé. McEnrore paye finalement le prix d'un début de saison trop chargé et désordonné, jouant partout les simples et les doubles et voyageant d'un continent à l'autre sans vraiment prendre le temps de récupérer... Son élimination prématurée à Roland-Garros lui permet de pendre un peu de repos, puis de se remetttre en jambes en remportant le tournoi du Queens, épreuve préparatoire avant Wimbledon.  

Poignée de main rapide et fraiche entre Connors et McEnroe
après leur demi-finale.

Connors à Wimbledon pendant sa 
demi-finale contre John McEnroe
  Son parcours jusqu'en finale n'a pas été de tout repos. Au deuxième tour, il s'est sorti de justesse d'un match piège contre un australien entreprenant, Terry Rocavert. Celui ci a mené deux sets à un et 2/1 dans le tie break avec deux services à suivre. Deux erreurs de suite ont permis à McEnroe de revenir dans le match et de se sortir de ce mauvais pas. La suite a été plus tranquille; et Connors en demi finale ne lui a pris qu'un set... Pour John McEnroe, c'est l'heure de vérité face au N°1 mondial. Il a enfin franchi l'obstacle des demi-finales qu'il avait atteint trois ans auparavant - c'était déjà contre Connors - quand il n'était encore qu'un junior inconnu, et c'est enfin l'occasion tant attendue de prendre sa revanche sur ses échecs de début de saison. La place de N°1 mondial est en jeu !

Le soleil est au rendez-vous, et le premier set est tout à l'avantage de l'américain qui ne laisse pas le temps à Borg de se régler. La pluie a cessé de tomber depuis deux jours à Wimbledon, et l'herbe devenue sèche a modifié le rebond. Le suédois a du mal à s'adapter à ces nouvelles conditions de jeu. Après avoir perdu le troisième jeu blanc sur le service de McEnroe, Borg décide de changer de raquette, puis modifie sa position sur les retours de service.

Après avoir perdu le premier set 6-1, Borg prend enfin le contrôle sur son service, il sert mieux et monte systématiquement sur son premier service, mais reste constamment sous pression. McEnroe, manifestement dans un bon jour, ne lache rien. Il sert à la perfection et ne laisse guère aucun espoir au suédois sur son service. Très entreprenant, il accumule les balles de break, et semble même bien prêt de mener deux sets à rien : à 4 partout, Borg sauve trois fois sa mise en jeu par des premières balles fulgurantes qu'il réussit à sortir au bon moment.  A 6-5, McEnroe sert pour égaliser et c'est le tournant du match. Alors que depuis le début, il n'avait jamais été en danger sur son service, il tente à 15/0 une volée amortie de coip droit difficile qui finit dans le filet. Rien de grave si ce n'est qu'il recommence le même coup sur le point suivant. La balle cette fois passe le filet, mais Borg qui a anticipé réussit le passing. Un retour réussi de Borg le long de la ligne lui donne enfin ses deux premières balles de break. Sur la deuxième, le suédois réussit un retour plongeant et la volée de revers de McEnroe finit dans le filet. 

Un finale spectaculaire toute entièrement gagnée ou perdue à la volée...

McEnroe au bord du désespoir, après une 
ènième balle de set gâchée...
"L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme". L'américain qui a manqué d'un rien le KO technqiue,  se retrouve soudain sous pression. A un set partout, Borg retrouve ses marques et commence à dérouler son tennis de démolisseur. Ses retours de service meurtriers lui permettent enfin d'inquiéter McEnroe sur tous ses engagements. Il fait le break, mène rapidement 4/2, et remonte un 0/40 grâce à trois services gagnants qui laissent McEnroe sur place. Le sort de l'américain semblait alors réglé. Borg empoche le troisième set 6-3, puis contrôle tranquillement le quatrième set jusqu'à faire le break à 4 partout sur un formidable retour de revers croisé. Le public, ravi et résigné se prépare à une fin de match inéluctable, quand Borg mène 40/15 avec deux balles de match à suivre sur son service.
C'est alors que le match commença vraiment. Sur son premier service, Borg pense avoir réussi un ace quand une partie du public se lève, mais l'arbitre annonce faute. Il ne suit pas son deuxième service au filet, et le long échange de fond de court qui suit met les nerfs du public à rude épreuve. Mais c'est Borg qui s'impatiente le premier, et son attaque sur le revers de McEnroe n'est pas assez profonde. Avec un sang froid et un détermination digne des plus grands, McEnroe réussit un superbe passing de revers le long de la ligne. Sur la deuxième balle de match, l'américain réussi un passing de revers suivi d'une volée gagnante et voilà les deux balles de match sauvées. McEnroe venait de montrer au public que dans les grands moments, il savait lui aussi maîtriser ses nerfs et son tennis pour se hisser au niveau de son adversaire. Désarçonné, Borg donne alors un balle de break que McEnroe saura transformer par un formidable retour de revers. A 5 partout, tout était à refaire pour le suédois et les deux joueurs alors au sommet de leur tennis font chacun leur service pour jouer un tie-break qui restera comme le plus beau jamais disputé dans l'histoire du grand chelem.

McEnroe sur son service vient de mettre 
sa volée dans le filet ! 16 partout.
C'est sa sixième balle de set...
Le public, et les téléspectateurs du monde entier assistèrent alors à un jeu décisif d'un rare intensité: 34 points et 21 minutes pour un seul jeu, soit l'équivalent d'une manche gagnée par 6-1 ! Et quel tie break! Les deux joueurs gagnent leurs services jusqu'à 5 partout quand Borg obtient sa troisième balle de match sur un passing meurtrier le long de la ligne. McEnroe sert et égalise d'une volée amortie au maximum de sa détente.
A partir de ce moment là, l'ambiance autour du central va devenir de plus en plus tendue, tant les balles de match et les balles de set vont se succéder à un rythme infernal, avec comme cerise sur le gâteau, que des points spectaculaires et gagnants ! Voyez plutôt :
- 7-6: quatrième balle de match pour Borg qui est au service. Le retour de revers croisé de McEnroe est superbe, Borg se détend, mais rate sa volée.
- 8-7: première balle de set pour McEnroe qui sert. Borg réussit un retour gagnant sur son premier service.
- 9-8 : deuxième balle de set pour McEnroe. Borg fait un service-volée et égalise.
- 10-9: cinquième balle de match pour Borg. McEnroe réussit un service gagnant.
- 11-10 : sixième balle de match pour Borg sur son service. Le revers de McEnroe heurte la bande et retombe bon. L'ambiance dans le vieux stade devient irrespirable !
- 12-11 : septième balle de match pour Borg. Service-volée de McEnroe.
- 13-12 : troisième balle de set pour McEnroe. Service-volée de Borg.
- 14-13 : quatrième balle de set pour McEnroe qui sert. Borg retourne le premier service et la volée de McEnroe sort d'un cheveu.
- 15-14 : cinquième balle de set pour McEnroe qui sort son retour de revers. Les deux joueurs changent de côté pour la 5eme fois dans ce jeu !
- 16-15 : sixième balle de set pour McEnroe qui sert et sort sa volée.
- 17-16 : septième balle de set pour McEnroe. Borg sert et suit au filet, mais sa volée amortie reste dans le filet... 
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Plongeon spéctaculaire de John McEnroe qui lache 
sa raquette. Il a tout essayé

Cinquième sacre à Wimbledon
pour Bjorn Borg
Dans le stade c'est du délire. McEnroe le mal aimé vient de conquérir le public de Wimbledon avec panache. Après tant d'émotion et de talent également partagé entre les deux champions, on hésite à souhaiter la victoire de l'un ou l'autre. Borg allait il trouver les ressources morales pour surmonter sa déception après ses sept balles de match ? Et McEnroe allait il trouver les ressources physiques nécessaires pour continuer ce terrible bas de fer ?

La réponse est vite donnée par Borg qui, mené 0/30, aligne 4 points de suite. C'est lui qui va faire la course en tête et mettre constamment l'américain en danger. Au deuxième jeu, deux coups droits gagnants et une double faute de McEnroe lui donne 0/40. L'américain aligne trois services, sauve encore un balle de break et gagne enfin ce jeu capital. Ce n'est que partie remise... Borg gagne ensuite ses trois services suivants blancs. A 4/3, Borg mène encore 0/40 sur le service de McEnroe qui montre des signes de fatigue en se massant le dos. Mais l'américain sauve encore sa mise en jeu. A 6/5, McEnroe se laisse encore accroché à 30/A, mais finit par égaliser. On se dit alors que Borg, après 7 balles de match, puis encore sept balles de break dans ce cinquième set, n'arrivera jamais à conclure...  Il gagne encore son service blanc, (il n'a perdu que trois points sur son service dans ce cinquième set), et c'est enfin la délivrance : deux retours gagnants qui font très mal à l'américain. Après un service gagnant de McEnroe, Borg réussit un passing shot de revers, et ce sont deux nouvelles balles de match! La partie dure depuis 3 heures cinquante minutes, et pour cette huitième balle de match, on aimerait encore croire à un miracle. Mais McEnroe à l'évidence est au bout du rouleau. Son service est moyen, sa volée n'est pas décisive, Borg qui se détend au maximum, et son passing de revers est imparable... Cette fois, c'est bien fini : Borg qui tombe à genoux, McEnroe qui reste à terre le nez dans le gazon, et le public debout pour une énorme ovation...

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Cette fois, plus de doute ! Ces deux là étaient du même bois, celui dont on fait les champions. Il ne restait plus qu'à espérer de les voir se rencontrer aussi souvent que possible dans les tournois du grand chelem. En regardant Borg embrasser pour la cinquième fois cette coupe tant convoitée, on se mettait déjà à rêver de la probable  revanche de l'année prochaine. Car après une telle démonstration de tennis, après tant de retournements de situation, on ne pouvait guère douter de la suite : McEnroe serait un jour le maître des lieux, et peut-être même dès l'année prochaine . 

D'ailleurs, c'est McEnroe qui restera le véritable héros de ce match inoubliable. Le tie-break irrespirable du quatrième set, c'était bien lui qui l'avait gagné ! Avec son tennis de virtuose, sa conduite exemplaire (pour une fois...), sa combativité de tous les instants, et un sang-froid déterminant pendant les innombrables balles de match, c'est bien lui qui aura fait la plus forte impression pendant cette partie... On en aurait presque oublié ses écarts de conduite dans les premiers tours, et ses interminables discussions avec le arbitres  ! 

Quant à Borg, il s'est ouvert pour la troisième année de suite la voie pour un possible grand chelem.  Prochain rendez-vous à Fushing Meadow en septembre où McEnroe, chez lui, l'attendra de pied ferme !


Tennis de France Août 1980


Borg qui embrasse la coupe, et Mcenroe
qui semble penser déjà à la prochaine fois...
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Mars 2000. Mise à jour Octbre 2008