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La dernière de Borg
Le 24 juillet 1980, encore un nouveau titre pour Bjorn Borg qui épouse la jolie roumaine Marianna Simionescu, sa compagne sur le circuit depuis 4 ans. Dans un monastère de la campagne roumaine, le suédois gagne ainsi dans la joie la balle de match d'une longue partie commencée en 1976 à Roland Garros, à la sortie des vestiaires, juste après sa défaite contre Panatta... Une belle revanche ! On ne le sait pas encore, mais pour Borg, une nouvelle vie commence, qui va progressivement prendre la pas sur l'autre... |
Le monde entier a encore en mémoire ce formidable tie-breack de Wimbledon quand Borg se présente début septembre à Flushing Medow pour la troisième levée d'un possible grand chelem. Cette fois, tout le monde en est persuadé c'est maintenant ou jamais que le suédois doit gagner l'US Open. Sur ce genre de surface, Borg ne pourra pas rivaliser encore longtemps face à son bouillant rival de quatre ans plus jeune que lui. D'ailleurs, personne n'en doute, qui d'autre que McEnroe pourrait l'empêcher de remporter ce titre tant convoité ? |
On
attendait donc Borg et McEnroe en finale, et ce fut bien Borg-McEnroe.
Mais si cette finale était un évidence pour tous, leur parcours
cahotique devait nous rappeler que même quand on est grandissime
favori, il faut gagner tous ses matchs et que le vainqueur est celui qui
ne connait aucune faiblesse.
Borg eut deux alertes très chaudes. D'abord en quart de finale contre Tanner qui mena 2 sets à un et 4/2 au quatrième set. Mais le service de l'américain s'enraye et Borg sur les seconds services ne rate plus aucun retour. Ouf ! Puis en demi finale contre un jeune sud-africain en état de grâce : Johan Kriek. Borg ne peut que laisser passer l'orage en attendant une baisse de régime de son adversaire qui heureusement arriva logiquement au début du troisième set : score final 4-6 4-6 6-1 6-1 6-1 ! |
Borg pendant la finale de l'US Open 1980 |
McEnroe pendant son match contre Lendl |
Pour
McEnroe, ce fut curieusement aussi difficile. Il est d'abord accroché
par le Ivan Lendl en quart de finale. Le jeune tchèque de 20 ans
au terrible coup droit dévastateur le pousse dans ses retranchements
dans un quatrième set perdu de justesse. La demi-finale contre Connors
fut pire encore. Dominé de la tête et des épaules,
McEnroe perd soudain 11 jeux de suite pour se faire mener 2 sets à
1 et 2/0 au quatrième set. Tout semble joué, quand Connors
commet deux erreurs de suite sur des volées apparament faciles.
Voilà McEnroe qui se réveille et reprend espoir: il fait
six jeux de suite pour égaliser ! Et c'est dans l'ultime tie-break
que Connors va encore offrir deux points à son ennemi intime qui
n'en demandait pas tant. Deux cadeaux sur son service qui suffiront au
bonheur de McEnroe. Un McEnroe nerveux tout au long du match et qui, au
cinquième set, a laissé par accident sa raquette traversrer
le filet pour frôler Connors... Incorigible McEnroe... Et Connors
perd ainsi un match qu'il aurait cent fois mérité de gagner...
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La finale tint toutes ses promesses. Jamais au cours de cette partie Borg n'avait semblé aussi proche de remporter enfin le seul grand titre qui lui manquait. Au premier set, il sert à 5/4 puis encore à 6/5. A chaque fois, McEnroe formidable de concentration, rétablit la situation. Borg cède finalement au tie break, puis se déconcentre et abandonne le deuxième set 6-1. Il s'accorche comme il peut au troisième set, sauve des balles de break à 2/3. Il mène 5/4 sur son service qu'il perd blanc. Le set reste indécis jusqu'au bout, et Borg l'emporte de justesse 7-5 dans le tie-break. Remis en selle, le suédois retrouve sa concentration, son service et ses retours pour dérouler enfin son tennis de démolisseur et remporte ce quatrième set 7-5. |
McEnroe vient de rater une volée... |
McEnroe, formidable de concentration sur le service de Borg |
L'heure
était grave... A deux sets partout, la victoire du suédois
ne faisait plus de doute pour personne... même pour McEnroe. Depuis
combien de temps Borg n'avait il pas perdu un cinquièmes set?
Il fallait remonter à Wimbledon 73 et à l'époque où
il n'était encore qu'un junior de 17 ans... De plus, McEnroe n'était
pas spécialement connu pour sa résistance physique... Et
pourtant, contre toute attente, à 3 partout - le fameux septième
jeu - c'est Borg qui va perdre le fil de la partie. Alors qu'on semblait
se diriger tout droit vers un tie-break décisif, arrive un coup
droit de McEnroe un peu long que le juge de ligne n'annonce pas. Borg,
qui n'a pas joué le point, discute. Ça ne sert à rien,
et le suédois, énervé, fait deux double fautes dans
la foulée. C'est fini : Voilà Borg trahi par son meilleur
coup, ce maître service qui lui permettait de contrôler ses
matchs et de sauver ses mises en jeu dans les moments difficiles... Borg
sur ce jeu là n'était plus tout à fait le grand Borg...
Un point douteux, et le match a basculé. A 0/40, McEnroe ne laisse
pas passer l'occasion. Il ne sera plus rejoint...
L'instant décisif... |
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La coupe et le chèque pour John McEnroe a l'US Open 1980 |
Troisième
finale à l'US Open, et troisième échec pour Borg qui
peut légitimement être déçu. Cela ne saurait
remettre en cause sa supériorité incontestée que le
tennis mondial. A Stockholm en novembre, il remporte enfin pour la première
fois les internationaux de son pays en battant John McEnroe 6-3 6-4. Au
Masters début janvier, il est tout simplement impérial, avec
au passage des victoires sur McEnroe et Connors, et écrasant en
finale l'étoile montante du tennis européen, le tchèque
Ivan Lendl.
Un Masters au cours duquel cependant le suédois se montra sous un jour qu'on ne lui connaissait pas. Contre McEnroe, dans le tie break du deuxième set, le score est de 3 partout quand un passing shot du suédois vu bon par le juge de ligne est donné out par le juge de chaise. Un décision rarissime, surtout dans un tie break ! Borg alla demander poliment des explicatins à l'arbitre, le très britannique Mike Lugg, qui refusa de revenir sur sa décision, et demanda non moins poliment au suédois de reprendre le jeu. En vain. Malgré un avertissement, Borg resta sur place et se vit finalement infligé deux points de pénalité ! McEnroe dira plus tard qu'il avait songé à rendre les deux points... On est pas obligé de le croire ! Mais décidément, Borg était en train de changer en provoquant à 25 ans le premier incident d'arbitrage de toute sa carrière... |
Borg qui discute avec l'arbitre... Une première ! |
Borg aborde l'année 1981 en allégeant son programme. Pour a première fois depuis longtemps, il prend deux mois de vacances. Jeune marié, il éprouve le besoin de souffler un peu après 7 années jouées intensément de bout en bout. Sa rentrée à Bruxelles mi-mars est catastrophique, balayé par l'Allemand Gehring. A Milan deux semaines plus tard, ça va un peu mieux mais perd la finale contre McEnroe en deux sets. Enfin à Monte Carlo, c'est le coup de tonnerre : le suédois est battu au premier tour en deux petits sets par Pecci. Cette fois, c'est sûr, pour tous les observateurs, Borg est en train de décrocher. Son trône vacille, le roi de Roland-Garros, triple tenant du titre va-t-il perdre sa couronne ? |
L'affiche de Roland-Garros 1981. On saisit l'essentiel... |
Cinq
semaines d'entraînement intensif plus tard, Borg va vite remettre
les pendules à l'heure. Non, il n'est pas blessé ! Non, il
n'est pas fini ! Et oui ! il a toujours autant envie de gagner. Revoilà
le grand Borg qui déroule son tennis de rouleau compresseur devant
un public résigné. Il ne perd pas un set jusqu'en finale,
comme d'habitude pourrait-on dire... En huitième, il laisse un seul
jeu à l'américain Torr. En quart, le hongrois Taroczy en
prend 8. En demi, Victor Pecci résiste un peu mieux, mais doit se
contenter d'avoir une balle de set avant de succomber avec les honneurs
: 6/4 6/4 7/5. Qui allait être cette fois la malheureuse victime
pour cette quatrième victoire d'affilée qui ne faisait plus
guère de doute ?
Ce ne sera pas Connors, qui craque en quart contre l'argentin Clerc en terminant sur un terrible 6/0... Ni McEnroe, qui ne comprend rien aux subtilités de la terre battue, et qui en perd son tennis contre le terrible coup droit du jeune tchèque Ivan Lendl. C'est finalement au jeune espoir tchèque que revient l'honneur d'affronter le Roi Borg, après une terrible et longue bataille en cinq sets contre Clerc qui eut pourtant une balle de match au quatrième set... Lendl, c'est la grosse surprise de ce Roland-Garros 1981, et qui, à 20 ans, vient se placer en possible successeur... dès que le Roi Borg le voudra bien ! |
A la surprise générale, le jeune tchèque fera mieux que résister. Avec son terrible coup droit et son impressionnante patience au fond du court, Lendl accepte avec bonheur l'épreuve physique imposée par Borg. Il prend le deuxième set grâce à de terribles accélérations de coup droit que Borg ne peut que regarder, Ce n'est qu'à l'issue de longs échanges patiemment construits que le suédois s'impose au troisième set. On pense alors que c'est terminé pour Lendl,mais le tchèque montre alors qu'il a des ressources physiques exceptionnelles. Le quatrième set est une lutte acharnée pour chaque point. Lendl ne lâche rien et prend le service de Borg au 8eme jeu pour conclure à 6-4. Le public de Roland-Garros qui n'avait pas vu Borg jouer un cinquième set depuis 5 ans, commence à rêver. Cette bataille de géants n'allait elle pas se transformer en passation de pouvoir ? Il n'en sera rien. Borg en vrai patron va montrer qu'il a de la ressource. Il se détache rapidement à 4/0 et l'emporte finalement assez facilement 6-1. Avec un quatrième titre d'affilé, Borg reste maître chez lui. Il n'a que 25 ans, et nul n'en doute alors, il remportera encore Roland-Garros... |
Le discours de Ivan Lendl après sa belle finale perdue en 5 sets : 6-1 4-6 6-2 3-6 6-1 |
Le champion junior Roland-Garros 1981 Le suédois Mats Wilander |
Côté
français, ce Roland-Garros 1981 apporte une belle satisfaction avec
la place de quart de finaliste de Yannick Noah après une méritoire
victoire sur Vilas. Avec son service puissant et son tennis résolument
offensif, le jeune N°1 français peut légitiment nourrir
de grands espoirs pour les années suivantes. Une seule ombre au
tableau : son éternel rival depuis l'âge des cadets dans toutes
les compétitions européennes, le tchèque Ivan Lendl,
est allé plus vite que lui. Pour Yannick Noah, il va falloir mettre
les bouchées doubles pour ne pas se laisser distancer.
En revanche, côté junior, c'est une grosse déception pour le camp français qui assiste à la déroute d'Henri Leconte, pourtant tenant du titre. Le malheureux dut s'incliner en demi-finale contre un suédois de 16 ans, Mats Wilander. Ce dernier, maître du coup lifté de fond de court, se comporta tout le long du tournoi comme un véritable mur. Ce jeu si ennuyeux mais terriblement efficace fit littéralement exploser le pauvre "Riton" à bout de patience, incapable d'attaquer ou de rester au fond du court... Fort de son mental impressionnant, le jeune suédois n'allait pas tarder à faire parler de lui. Champion de Roland-Garros junior à 16 ans, Mats Wilander était l'avant garde d'une génération de jeunes joueurs suédois qui, marchant sur les traces de Bjorn Borg, allaient bientôt envahir les courts des grands tournois. |
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Mars 2000. Mise à
jour Octobre 2008