Connors à Forest Hills boucle un petit chelem historique. |
Le petit chelem de Jimmy Connors .
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Juin
1974 : Wimbledon retrouve le sourire: après deux années de
tempête, la sérénité est enfin revenue dans
le vieux stade londonien. Finis les conflits entre amateurs et professionnels
sous contrat, oubliée l'affaire du boycott, tous les meilleurs sans
exception sont de retour. Et comme les dirigeants anglais ne décrètent
pas d'exclusion à l'encontre des joueurs d'Intervilles contrairement
à leurs homologues français, c'est toute la famille du tennis
qui est là au grand complet pour la première fois depuis
1971.
Fait unique dans l'histoire du tournoi, ils sont trois à venir défendre leur titre: Newcombe le dernier champion professionnel en 71, Smith le dernier champion amateur en 72, et Kodes l'usurpateur qui profita du boycott pour s'emparer du titre tant convoité. Ils sont tous les trois les favoris des bookmakers, et ça sent la revanche. Dans le haut du tableau,
Smith et Newcombe sont les favoris logiques, et Borg seul semble pouvoir
jouer les trouble-fête. Le suédois, tout auréolé
de sa victoire à Roland-Garros est tête de série N°5.
Il n'ira pas loin. Contrecoup de ses efforts récents, il passe complètement
à
côté de son match contre l'égyptien El-Shafei au troisième
tour (6-2 6-3 6-1). Cette défaite mit un terme au formidable début
de saison du suédois.
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Borg a Wimbledon en 1973. Il jouait alors avec une raquette Slazenger tendue à 36 kg... Le bois n'était pas incassable ! |
Quart de finale : Rosewall vient de battre Newcombe... En route vers une quatrième finale. |
Dans
cette moitié de tableau, l'énorme surprise va venir de celui
que l'on attendait plus: Ken Rosewall. A trente neuf ans, le petit australien
donne l'impression d'être venu faire ses adieux: son début
d'année a été très moyen, il n'a gagné
aucun tournoi, et s'il hérite tout de même de la tête
de série N°9, c'est dit-on plus à cause de son prestigieux
passé que sur sa réelle valeur du moment. Mais qu'importe
ce que l'on raconte ! Après trois tours sans histoire, Rosewall
trouve sur son chemin un jeune américain inconnu au service dévastateur,
Roscoe Tanner, qui vient d'éliminer Arthur Ashe. 4 sets suffisent
à l'australien pour maîtriser son fougueux adversaire et faire
admirer ses réflexes de jeune homme en retour de service.
C'est en quart de finale contre Newcombe que tout le monde comprit que "Le Vieux" n'était pas venu pour des adieux sentimentaux. Contre la tête de série N°1, Rosewall réussit une démonstration d'intelligence et d'efficacité. Par un après-midi venté, il se permit un troisième set de rêve infligeant un cinglant 6/0 à son cadet de 10 ans. Newcombe ne s'en remit pas. Avec sa calvitie naissante, ses moustaches de grognard et ses deux ou trois kilos de trop, c'est lui qui tout à coup semblait avoir vieilli... Il s'accrocha dans le quatrième set jusqu'à 5 partout avant de s'avouer vaincu... C'est pourtant bien lui qui, après le tournoi de Wimbledon, va remplacer Nastase en tête du classement ATP ! |
Personne
ne croyait Rosewall capable d'aller plus loin et pourtant... C'était
oublier que ses collègues du circuit pro l'appelaient depuis longtemps
"Muscles", et ce n'était pas par dérision. Contre Stan Smith
en demi-finale, l'incroyable se produisit encore. Mené deux sets
à rien, 5-4 service à suivre pour l'américain, la
cause semblait entendue pour l'australien. Mais Rosewall sauve une balle
de match et profite de l'avantage psychologique que cela procure pour égaliser
à 5 partout. A 8 partout, le petit australien tient toujours le
choc, sauve deux nouvelles balles de match dans le tie break et empoche
le set deux points plus loin. Le reste appartient à la légende.
Devant un public médusé mais ravi, Rosewall retrouve soudain
ses jambes de 20 ans comme aux plus beaux jours des Whiz Kids en 1954.
C'était il y a 20 ans, l'année de sa première
finale... On le vit alors tout entreprendre, tout tenter, et tout réussir
pour accéder une quatrième fois à la finale. Devant
un public tout acquis à sa cause, Rosewall empoche les deux derniers
sets en donnant l'impression de se promener. Le pauvre Smith débordé
ne peux que regarder filer les superbes passing de revers de son adversaire.
L'américain fatigué, félicitera chaudement son vainqueur,
oubliant au passage qu'il avait eu trois balles de matchs au bout de sa
raquette...
Après
Newcombe, Rosewall triomphe de Smith 6-8 4-6 9-8 6-1 6-3
. A qui le tour ? ==> |
Connors à la peine pendant son deuxième tour face à Phil Dent. Victoire de l'américain 5-7 6-3 3-6 6-3 10-8. Ouf ! |
Dans
l'autre moitié du tableau, Connors, tête de série N°
3 se retrouve avec Nastase et Kodes. Il a un début très poussif
dû probablement au manque de compétition des Intervilles.
Au deuxième tour, Phil Dent lui résiste 5 longs sets et l'américain,
à 8 partout au cinquième set n'en mène pas large.
Il lui faut toute sa concentration pour conclure victorieusement un match
bien laborieux. Le suite est plus facile et la forme de l'américain
ira en s'améliorant. Seul Kodes en quart de finale le pousse au
cinquième set mais sans réellement l'inquiéter. En
demi-finale, il domine en quatre sets Dick Stockton, un jeune texan, champion
universitaire américain en 1972, et qui eut la chance de rencontrer
Nastase un jour où celui-ci avait envie de faire le pitre...
Nastase pendant son quatrième set contre Stockton. Difficile de gagner dans ces conditions... |
La
finale fut bien décevante comme on pouvait s'y attendre. Mais l'australien
en rentrant sur le court y croyait-il vraiment ? On peut en douter tant
Rosewall parut crispé tout au long de la partie: un service trop
faible pour être suivi au filet, des retours de service téléphonés
et tous interceptés facilement par Connors... Manifestement usé
par les matchs précédents, Rosewall ne réussit rien
de bon en face d'un Connors déchaîné. Il aurait fallu
que celui-ci commette quelques erreurs pour permettre à Rosewall
d'espérer rentrer dans la partie: il n'en commit quasiment aucune!
Services, volées, passing shots, lobs, tout fonctionnait à
merveille, et tout finissait sur les lignes avec une précision étonnante.
Connors eut le mérite de gagner avec panache un match qu'il domina
de bout en bout. Un score bien cruel pour Rosewall (6-1 6-1 6-4).
A 39 ans, Rosewall vient d'écrire une des pages les plus glorieuses de sa carrière, et Connors à 22 ans, vient de commencer enfin la sienne. |
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Tout semble sourire à Jimmy Connors et sa fiancée Chris Evert, tout deux vainqueurs du tournoi de Wimbledon |
Le plus extraordinaire dans cette histoire, c'est que le même scénario va se répéter à Forest Hills deux mois plus tard. Pour le dernier US Open sur herbe de l'histoire du tennis, Connors va confirmer sa domination sur le tennis mondial. Il est impressionnant tout au long du tournoi, transperçant littéralement ses adversaires. Jamais encore on avait vu une telle rage de vaincre, une telle énergie dépensée pour rentrer dans la balle... Les anciens font une fois de plus bien pâle figure... Tous ? Non, car encore une fois, l'inusable, l'inoxydable, l'incroyable, le presque quadragénaire Ken Rosewall au revers magique, avance tranquillement jusqu'en finale. Le mexicain Ramirez, l'indien Amritaj, et enfin son compatriote John Newcombe comptent parmi ses victimes. Mais la répétition de la finale de Wimbledon fut bien cruelle pour l'australien. Une des finales les plus courtes de l'histoire du tournoi, et une partie à sens unique au cours de laquelle Rosewall fut tout simplement inexistant. On eut vraiment l'impression d'un énorme décalage entre les jeux pratiqués par ces deux grands champions. Rosewall, encore un des plus forts parmi les anciens, jouait plusieurs tons en dessous du nouveau patron du tennis mondial. |
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Rosewall à la peine pendant la finale de Forest Hills... |
6-1 6-0 6-1... Quelle fessée ! Rosewall semble bien abattu |
Avec Connors, auteur d'un petit chelem, et Borg vainqueur à Roland-Garros, c'est le revers à deux main qui fait le grand chelem! Et ça, c'est une vrai révolution dans le tennis de 1974. Ce coup n'était pas vraiment une nouveauté au début des années 70 : L'australien Vivian McGrath le premier avait obtenu des bons résultats avec ce coup dans les années 30. Plus près de nous, le français Barclay et le sud-africain Drysdale l'avait utilisé avec une réussite certaine. Mais c'était dans tous les cas des joueurs ambidextres qui utilisaient leurs qualités naturelles. Ils n'avaient guère été suivis. Cette fois, avec Connors, Borg, et Chris Evert côté féminin, les choses allaient changer rapidement. Le revers à deux mains n'allait pas tarder à s'enseigner dans les meilleures écoles de tennis du monde entier... |
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Enfin,
pour en finir avec 1974, il faut noter le très beau parcours de
l'argentin Guillermo Vilas pendant la deuxième moitié de
l'année. Âgé de 22 ans, ce gaucher au terrible revers
lifté commence à accumuler les victoires : 6 finales gagnées
entre juillet et novembre. Le voilà qualifié pour le Masters
qui se joue cette année là sur herbe à Melbourne.
Il s'y retrouve en bonne compagnie avec Newcombe, Kodes, Nastase et Borg
entre autres (Connors n'a pas daigné faire le voyage...). A la surprise
générale, c'est lui qui remporte le tournoi en triomphant
de Nastase en finale. C'est la première grande victoire de l'argentin
qui montre ainsi qu'il faudra désormais compter avec lui.
Après Borg et Connors, l'argentin vient lui aussi d'apporter du sang neuf au tennis professionnel. Sa victoire au masters confirme l'impression qu'une nouvelle génération avait définitivement balayé les anciens... Ces trois là vont bientôt écrire quelques unes des plus belles pages de l'histoire du grand chelem. |
Tennis de France Août 1974 "Wimbledn 74, le triomphe des fiancés" |
Tennis de France Septembre 1974 "Ken Rosewall, une carrière unique" |
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Dernière mise à jour : 10
avril 2010
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